LA CORRIDA

 

La corrida est le seul jeu de cirque romain qui ait (peut-être) passé les âges. On y retrouve des caractéristiques bien romaines:

Mais quelle est l'histoire de la corrida ?

Hélas, on sait peu de choses pour ce qui est des temps anciens. Lorsqu'on interroge le Web espagnol, tous les sites proposent une histoire (bien détaillée du reste), qui ne commence qu'à partir du 16ème ou 17ème siècle:

La corrida moderne a actuellement des règles subtiles et bien définies.

Lors de la première corrida connue, au 17ème siècle, le toréador (ou toréro pour les intimes) descendait dans l'arène muni seulement d'une épée en bois.

Avant cette époque, une (unique) corrida bien connue a été décrite par Gibbon, le 3 septembre 1332 au Colysée à Rome (retapé par l'occasion), "sur le modèle de celles qui se faisaient en Espagne ou chez les Maures". Des représentants de plusieurs familles illustres de Rome affrontaient des taureaux, les uns après les autres, munis seulement d'une lance. Il y a eu quand même parmi eux 18 morts, 9 blessés (pour 11 taureaux morts). Cette fête a été la seule et ensuite le Colysée a servi de carrière...

Au Portugal, il y a aussi des corridas, mais ce sont des cavaliers qui affrontent le taureau.

En France aussi, il y a des corridas, surtout en Camargue, à Arles et Nîmes, mais une grande partie de ces corridas est (hélas) liée au tourisme et à l'affluence de l'été. Il y a même un village de Haute-Garonne (Rieumes), qui a essayé cette année en 2001 de faire aussi une corrida (avec mise à mort), prétextant que le Gers voisin (Vic-Fezensac) avait des "bandas", des "bodegas", des "tapas", des soirées paellas (et cassoulet quand même), et même des corridas, tout cela bien sûr afin d'attirer le touriste. Mais ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase: la réponse fut non (au nom de la tradition locale) et le village fort critiqué, voire rayé (en rouge) des panneaux indicateurs.

Bien sûr, il y a des corridas plus gentilles en France, en particulier dans le Sud-Ouest (à Dax) avec les courses de vaches landaises (fort popularisées par le jeu Interville), qui remontaient autrefois jusqu'à Royan: l'arène est désaffectée dans le Parc de Vallière à St-Georges-de-Didonne depuis les années 1950 (en cours de démolition actuellement), comme celle de Bordeaux.

Il y a aussi beaucoup de corridas dans les pays hispanophones d'Amérique du Sud (Mexique, Colombie, Argentine, Vénézuela...).

Pour démystifier ce jeu, j'en expose une présentation très simplifiée et profane, mais qui parle mieux que toutes ces règles et ces termes de pros. On voit ainsi mieux se dégager le jeu proprement dit et son caractère romain. Voici le déroulement immuable d'une partie de type hispanique, que ce soit à Séville, Madrid, Tolède, Pampelune ou Barcelone :

Au départ, le toréador se place à genoux face à l'entrée de l'arène, avec un drap (ou cape) rose et jaune. On ouvre la porte, le taureau se jette sur lui, et il esquive en restant à genoux mais en faisant tournoyer la cape au-dessus de sa tête.

Il fait ensuite plusieurs passes avec le taureau (pour jauger sa pugnacité). La cape est tendue par un ou plusieurs bâtons (appelés picos).

Puis entrent en scène les picadors: ce sont 2 cavaliers (le cheval est protégé par une robe épaisse, autrefois en osier) avec des lances. Des auxiliaires divertissent le taureau (par des leurres) pour le diriger vers eux. Chaque cavalier doit alors piquer le taureau avec sa lance (lui enfoncer au niveau de l'échine ou des épaules), afin de le faire saigner et l'affaiblir. Bien sûr le taureau se défend et pousse le cheval (parfois en le plaquant contre la paroi, mais toujours du même côté). Le picador appuie de tout son poids sur la lance et la laisse enfoncée un certain temps.

Puis les picadors quittent l'arène (sur ordre du président), et on remet deux paires de banderilles au toréador. Celui-ci doit enfoncer chaque paire en même temps dans l'épaule du taureau, l'une après l'autre. Bien sûr, toutes ces phases sont séparées par une série de passes (toréro avec la cape rose), afin de fatiguer le taureau. C'est là qu'on crie "Olé !".
Parfois, ce sont les auxiliaires qui plantent les banderilles (toréadors novices), qu'on appelle alors les "banderilleros".

Série de passes avec la muleta

Arrive ensuite la mise à mort: le toréro (appelé matador à cause de la mise à mort) se découvre et s'avance vers la loge présidentielle: le président de la corrida lui remet l'autorisation de la mise à mort. Les garçons de piste remettent alors au matador un drap rouge cette fois (la muleta), ainsi qu'une épée spéciale, recourbée vers le bas (l'estoque); en même temps il leur confie sa coiffe. A lieu ensuite une série de passes, avec le taureau plutôt épuisé qui saigne de partout (il a les banderilles fichées dans le dos, et les blessures des picadors: il crache aussi parfois du sang, en plus de sa bave, s'il a eu les poumons touchés).

Au moment voulu, la mise à mort a lieu (on l'appelle l'estocade): le toréro se met face au taureau, l'épée en avant, la garde à hauteur des yeux, et l'attire une dernière fois. Le taureau se jette et le toréador en esquivant lui plonge l'épée dans le dos au niveau du cou jusqu'à la garde. Le taureau se couche alors, terrassé.

Parfois, la mort n'arrive pas tout-de-suite. Il faut alors extraire l'épée, la changer et recommencer. De même, si le taureau une fois à terre bouge encore, des auxiliaires (ou le matador lui-même) lui enfoncent discrètement un couteau à la base du crâne.

Tout ceci dure environ 20 minutes, on évacue le taureau et on recommence avec un autre, tout fringant.

La foule réagit différemment d'une ville à l'autre de l'Espagne. Par exemple, à Madrid ou à Séville, la foule très traditionnelle (les dames ont des éventails) applaudit respectueusement. Pour acclamer un toréador, on lance des fleurs, ou les coussins, ou des mouchoirs, et même du pain. A Pampelune, au milieu des fêtes de la Saint-Firmin, le public est plus jeune: on saute dans les tribunes, on boit, on chante. On ne s'occupe parfois même pas du combat qui se livre dans l'arène. A la fin, l'arène est en tout cas jonchée de détritus des plus divers, dont beaucoup de cannettes...

Pour "habiller" un peu la corrida, on a beaucoup introduit du cinéma: ce n'est pas un spectacle comique, et le taureau a droit a un respect extrêmement sérieux. On ne plaisante pas avec la mort. Attention au touriste qui s'amuserait à tenir un taureau par la queue dans les rues de Pampelune ! Le public souffre avec le toréro (avec le taureau surtout), et il apprécie. On s'est aussi polarisé sur des détails de la corrida: le moindre geste est étudié, les règles de l'art (car on dit qu'il s'agit d'un art) sont discutées longuement et écrites (depuis 1796). Les termes sont en espagnol, on ne doit pas les traduire. Le toréro est un héros qu'on connaît bien et dont on suit la carrière corrida après corrida. A Arles ou à Nîmes, les spectateurs se croient espagnols pour le temps du spectacle, pour la plus grande joie des touristes nordiques en quête d'exotisme (pourquoi aller plus au sud ? on y est !), et du commerce local bien sûr.

Pour m'excuser auprès de mes amis nîmois sur l'authenticité de la corrida à Nîmes, il est vrai que l'arène a, depuis les temps romains, deux taureaux sculptés à l'entrée. Mais une corrida (avec mise à mort) à Vic-Fezensac, en plein Gers, au pays du magret, voyons... (des courses de vaches landaises, d'accord) !

Il semble donc qu'en France, la corrida n'est vraiment traditionnelle que dans le Languedoc. Par contre, dans le Sud-Ouest, il s'agissait surtout de vaches landaises (sans mise à mort).

Sinon, même si les règles sont bien définies, la corrida continue d'évoluer sensiblement. Par exemple, on s'applique de plus en plus à l'effet esthétique: au début du siècle dernier, on n'utilisait pas de bâton (pico) pour tenir la cape, le toréador la tenait symétriquement devant lui.

Voulez-vous un aperçu des autres jeux qu'on proposait aux Romains ? D'accord...

Avant que l'Empire devienne chrétien, les combats de gladiateurs étaient autorisés: des hommes (esclaves, prisonniers, ou "pros") se battaient entre eux parfois jusqu'à la mort (le gladiateur coûtait cher), avec parfois l'affranchissement à la clé. Il y avait les rétiaires, les marmillons, les spadassins, ...

Ce n'est pas la foule qui décidait pour la mise à mort, mais celui qui avait payé le spectacle: il avait le droit de vie ou de mort sur les combattants. Aussi le gagnant s'avançait parfois vers la loge impériale et demandait, comme actuellement dans les corridas, la permission de tuer. Le président du spactacle levait ou abaissait le pouce, répondant souvent au souhait de la foule.

D'autres combats opposaient hommes et animaux: contre des lions, des tigres, des ours, des taureaux... C'est ce qui s'appelait les venationes.

Martyrs, de Gérôme

Eurent lieu aussi les persécutions bien connues contre les chrétiens, qui donnèrent lieu à des spectacles du même genre - avec des bûchers et des crucifixions en plus parfois...

Il y avait aussi des "fêtes" grandioses, avec (représentations de) combats navals (on immergeait le cirque), ou des gladiateurs et différents animaux, avec fosses à ours, bûchers, obstacles, chars, cavaliers...

Puis les jeux de gladiateurs ont été interdits. Alors on a fait se battre des animaux entre eux, qui n'avaient aucune chance de se rencontrer dans la nature: ours contre lion, éléphant contre taureau, ours contre taureau, panthère contre chiens, etc... Mais il restait bien sûr les combats homme ou cavalier contre animal, en particulier les taureaux. C'est la formule la moins chère ou dispendieuse, car tous ces jeux coûtaient très chers à l'État, même s'ils étaient gratuits ou très peu chers pour le peuple.

Les Barbares (Wisigoths, Vandales mais aussi les Francs comme ici à Metz) ont longtemps profité des installations romaines pour faire ces jeux.

Combat ours contre chiens

On ne parle là pas du tout des courses de chevaux et de chars (4 couleurs) qui se jouaient dans les hippodromes (Circus Maximus à Rome, le plus grand du monde, contenant 3 fois le stade de France ou 2 fois le stade de Brasilia, 250.000 spectateurs, ou l'Hippodrome à Constantinople, ...).

L'ancêtre de la corrida (une "venatio") a donc continué à être joué en Afrique du nord (chez les Vandales) et dans la péninsule ibérique (chez les Wisigoths). Les Maures ont perpétué cette tradition (Espagne, Portugal, Catalogne, Languedoc(?)).

Un peu d'espagnol:

Quelques liens

Sites espagnols: Règles (en espagnol): Sites français: Divers:

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